Le cinéma du futur
- Kevin Enhart
- 9 déc. 2017
- 26 min de lecture
Après avoir vu une partie des dérives du cinéma Hollywoodien la dernière fois, on m'a proposé (merci Axl) de traiter du futur de cet art. Quel avenir pour la création cinématographique, son lien avec les nouveaux médias, l'évolution du public, etc.

1 - Le cinéma de papa
2 - Futur immédiat, ce qui est prévisible
3 - Les nouveaux médias
4 - Quelle place pour les créateurs?
5 - Un art populaire
6 - Et après?
NB : Je ne prends volontairement pas, dans l'analyse qui suit, le possible rachat de la 20Th Century Fox par Disney. D'une part, parce que la plupart des éléments sont encore totalement inconnus du grand public, de même que les termes du contrat. D'autre part, parce qu'une partie des "informations" qui circulent proviennent de sources douteuses. Enfin, si ce rachat se confirme effectivement dans les prochaines semaines, je ferai bien entendu un nouvel article sur le sujet, avec une analyse complète (et autant que possible, chiffrée) de la situation.
1 - Le cinéma de papa

Nous avons tous en tête, d'une manière ou d'une autre, non pas notre première expérience cinématographique (quoi que certains l'ont), mais notre premier coup de coeur. La première fois que nous nous sommes retrouvés transportés d'une salle obscure à un univers totalement à part, fantasmé, et qui nous correspondait tellement qu'il aurait pu être créé exclusivement pour nous.
Et, pour ceux qui ont vécu cette expérience avant les années 1990, l'expérience était d'autant plus particulière qu'une sortie au cinéma était une vraie sortie. On allait au ciné comme au restau : on s'habillait propre, on avait les consignes de tenue de nos parents. Un formalisme qui, d'une certaine manière, participait autant à la magie du film que revêtir un smoking pour aller à l'opéra (et pour avoir aussi été à l'opéra, je peux vous garantir que la musique a l'air moins bonne lorsque l'on est en jean).
Pourquoi avant les années 1990? Parce que c'est le moment où la somme des films sortant chaque année a explosé. Le moment où le cinéma populaire s'est encore plus popularisé. En gros, le moment où le cinéma tel qu'il est aujourd'hui est né. Bien sûr, d'autres ont également vécu ce que j'explique plus haut après. Mais d'une manière différente, et sans que cela ait le même impact.
Il ne s'agit pas ici de nostalgie, bien entendu. Ni de dire que "c'était mieux avant". C'était différent. Aller voir un film pour voir ce film, le découvrir et entrer dans cet univers et aller voir un film "parce que ça détend" sont deux choses différentes. A un moment, le cinéma est devenu une sorte d'extension de la télévision - sans même que le public, d'une manière générale, se rende compte qu'il s'agissait là de deux arts totalement différences.
Et encore! A l'aube des années 2000, alors que j'apprenais le cinéma (dans son ensemble) et y voyais une moyenne de six films par semaine, il n'était pas rare que ma mère me rappelle combien j'étais chanceux. Elle qui aime profondément le cinéma se souvient, quand elle était jeune, à quel point sortir était rare. Et comme toute une partie de sa génération, elle n'a découvert l'âge d'or de cet art (les John Ford, les DeMille...) que sur une télévision en noir et blanc à la réception aléatoire.
Depuis les années 1950 jusqu'à la fin des années 1990, le cinéma a, aussi, toujours eu une longueur d'avance sur la télévision. Impossible de confondre un téléfilm d'un film. Les moyens, les techniques et technologies évoluaient de telle sorte que les deux arts restaient chacun de son côté. La télévision apparaissait? Le cinéma passait en Technicolor et en Panavision. Les écrans domestiques grandissaient? Qu'importe! Le 70 millimètres devenait la pellicule préférée des cinéastes. La qualité augmentait? On sortait des films en Panavision 70, Super Panavision, Ultra Panavision. On enregistrait le son sur six pistes! Et au moment où la télévision commençait à financer des effets spéciaux, on devenait capable, au cinéma, de superposer jusqu'à 80 plaques de négatifs (Return of the Jedi) pour autant de vaisseaux spatiaux dans une image.
Même lorsque, au début des années 1990, la télévision tenta de rattraper le cinéma sur le plan des effets visuels, le gap entre les deux était énorme. Spielberg ramenait les dinosaures à la vie dans Jurassic Park, quand Xéna la Guerrière combattait de pitoyables animations.
Même au niveau de l'animation, le cinéma restait en avance. Quand les séries animées se limitaient à une dizaine d'images par seconde, La Petite Sirène en alignait vingt-quatre, et certains plans du Roi Lion atteignaient la trentaine pour des effets légèrement ralentis.
Jusque, donc, au début des années 2000. L'arrivée des premières caméras numériques de bonne définition a permit un meilleur travail sur les effets visuels (le prix des images de synthèse a également beaucoup baissé), ainsi que la mise en place d'une photographie plus poussée, à laquelle on savait que l'émergence des écrans plats rendrait justice. C'est la naissance des Experts et des séries à fort potentiel visuel. Bien sûr, d'autres avant avaient fait montre d'un professionnalisme exemplaire : Twin Peaks, très cinématographique, X-Files... Mais en terme d'image, de montage, on atteignait maintenant des codes qui, jusque là, étaient limités au cinéma.
Certes, on distingue toujours une série, même magistrale, d'un film. Malgré la présence au générique de David Fincher, Mindhunter reste visiblement une série : ses échelles de plans, une part de sa photographie et de son étalonnement restent faits pour un petit écran (on peut comparer avec Zodiac, du même Fincher). Mais le fait est qu'il ne s'agit plus que d'une question purement formelle.
Reste donc la salle de cinéma. Si celle-ci était un lieu d'abandon, où l'on se retrvouait seul(e) face à une oeuvre, comme lorsque l'on s'asseoit sur un banc pour contempler un Rubens dans un musée, elle est devenue un lieu social, où le public contemporain vient non pas pour rêver, mais pour critiquer, manger, twitter et, surtout, surtout... ne rien voir.
En comparaison, les couples que je chopais dans la salle en train de se tripoter étaient moins chiants, et je pense qu'ils gardaient un souvenir plus impérissable de leur expérience.
Mais, encore une fois, il ne s'agit pas de râler sur un état de fait. Il ne s'agit que d'une transition, d'un état à un autre, un passage dans l'évolution d'un art. Durant les années 1980, François Truffaut craignait que l'on perde de vue l'histoire dans les films. A la fois l'histoire du cinéma, mais aussi celle que l'on voulait raconter. Si c'est effectivement arrivé, en partie, ce n'était pas une nouveauté (encore, le cinéma d'exploitation de l'époque). Mais on a effectivement perdu de vue une part de l'histoire du cinéma. La génération des années 1980 s'est forgée des icônes, à partir des films qu'ils ont découverts et aimés. Les Goonies, Gremlins, Ghostbusters... Certes, une partie des artistes qui sont derrière ces films, et qui viennent du Nouvel Hollywood (du moins, en grande partie), sont excellents, mais cette nouvelle génération s'est appuyée sur eux pour se forger, alors même que ces créateurs s'appuyaient sur d'autres. Citer Spielberg et le prendre comme référence est une chose (assez louable, avouons-le). Mais comment peut-on le citer sans citer ses propres racines? Les Hitchcock, Truffaut, Lean, Pagnol (si, si), Bunuel (je ne sais pas faire l'accent sur le N, donc dessinez-le sur votre écran)... Puisqu'ils font partie de Spielberg, et de son cinéma, on ne peut s'approprier ce réalisateur sans, au moins, les avoir comme références.
De fait, si le cinéma est un art à part entière, sont évolution est multiple. Dans toutes les directions. C'est un art organique. Et ce qui ne nous choque pas pour l'évolution de la musique (oui, d'accord, mettre Jul en artiste musical, c'est choquant), ou pour l'évolution de la peinture, ne devrait pas non plus nous choquer ici. On assiste aux mêmes dérives, aux mêmes aléas. Regardez l'opéra. Il est figé depuis cent-cinquante ans. Certes, de nouvelles mises en scène sont créées. Et c'est toujours aussi beau. Mais cet art est figé sur son époque dorée (géniale, il faut le dire). En soit, l'opéra est un art qui est quasiment mort. Non pas parce qu'il a disparu, mais parce qu'il n'évolue plus.
2 - Futur immédiat - ce qui est prévisible

Si l'on regarde bien, les plupart des techniques et technologies actuelles - dans le cinéma mais pas que - ne sont que l'évolution de techniques antérieures, ou la mise en place d'idées précédemment exprimées.
Regardons l'histoire du cinéma : le procédé lui-même est une extension de la photographie, du zootrope, le kinetoscope...
Les premiers effets spéciaux mis en place par Méliès (hors effets de montage) sont tout droit issus du théatre...
La 3D est apparue dans les années 1950, bénéficiant surtout à des films de série B "de monstres" (certes, avec une technologie différente, mais une plus-value identique).
Les premiers effets visuels numériques naissent à la fin des années 70 (Lucas fait des tentatives pour son Star Wars, n'en garde que les plans animés de l'Etoile Noire).
A la même période, le son (mono dans la plupart des cas) est, grâce à l'AviDroid - précurseur du montage numérique Avid - (encore par Lucas) et surtout au système THX, amélioré par un son numérisé multicanal.
Dans le même temps (et toujours pour Star Wars), John Dykstra met au point la Dykstraflex (sous le financement de Lucas et ILM, comme pour le THX), point de départ de la technique du motion control.
Si, respectivement, Abyss, Terminator 2 et Jurassic Park (1) ont marqué l'histoire des effets spéciaux numériques, c'est parce que, à eux trois, ces films réunissent les bases de toute la technologie contemporaine. Ainsi, le pseudopode aquatique pose les jalons de l'animation des fluides, le T-1000 ceux du morphing numérique et de la transformation des matériaux et, enfin, les dinosaures ceux des créatures vivantes. On en oublie presque que Le Secret de la Pyramide (2) est, en fait, le premier à mettre en place un personnage entièrement de synthèse (le chevalier sortant du vitrail).
Depuis, et même si on ne peut qu'admirer le travail réalisé par les différents studios d'effets spéciaux, force est de reconnaître qu'il n'y a plus eu de véritable révolution.
Certes, Jar jar, Gollum et Dobby au début des années 2000. Mais même là, ils ne sont qu'une évolution logique d'une technique qui avait déjà plus de dix ans, et qui doit également beaucoup à l'évolution de la technologie (réaliser six minutes de dinosaures sur des PowerMac montés en série en 1993 est quand même plus couillu qu'animer un Jurassic World (3) sur des fermes de serveurs dédiés et avec des ordinateurs qui ont une mémoire vidéo de plus de 16Go). La multiplication des société d'effets spéciaux a également beaucoup joué, ainsi que la possibilité de travailler avec plusieurs d'entre elles à la fois.
Même la technologie des maquettes a évolué, le travail sur les échelles (et les nouvelles focales) permettant, avec l'aide du numérique, de les rendre plus réalistes que jamais. Et il en va de même pour les techniques de maquillages, et toutes les facettes techniques du cinéma.
Ainsi, pas de vraie révolution en vue.
Du côté de la diffusion également, les systèmes ont changé. S'il a fallu dix ans à la plupart des salles de cinéma, dans les années 1980, pour passer du son monocanal au multi, les normes changent actuellement tous les deux ou trois ans.
A la fin des années 2000, pour la sortie de Avatar, la plupart des salles étaient équipées en projecteurs numériques (adieu, le 35mm), et les plus grosses permettaient déjà un visionnage en 3D. Dans le même temps, l'industrie découvrait (entre autre grâce à Christopher Nolan et son Dark Knight la plus-value que représentent les salles Imax, jusque là dévolues à la diffusion de documentaires certes spectaculaires, mais peu vus.
Mais encore, des évolutions, non pas de révolution.
Durant mes cours, j'ai l'habitude, pour simplifier un peu (mais pas tant que ça), de citer cinq films représentant de pures révolutions techniques et narratives dans l'histoire du cinéma, et étant à l'origine de tout ce que l'on connait actuellement :
L'Arrivée du Train en Gare de la Ciota (Auguste et Louis Lumière, 1895), premier film diffusé.
Le Chanteur de Jazz (Alan Crosland, 1927), premier film parlant.
Le Magicien d'Oz (Victor Flemming, 1939), premier film intégrant la couleur à sa narration (4).
Star Wars : Episode IV - Un Nouvel Espoir (George Lucas, 1977), création du motion control, du son numérique multicanal, du montage digitalisé, des effets spéciaux numériques, premier studio d'effets spéciaux indépendant ...
Jurassic Park (Steven Spielberg, 1993), premières créatures vivantes et réalistes animées par ordinateur (même si, comme je l'ai dis, il va de concert avec Abyss et Terminator 2).
Depuis, plus rien. Aucune révolution. On a peaufiné les techniques, la technologie est venue à notre secours, mais c'est tout.
Et pour l'avenir proche, donc?
Le fait est que nous nous trouvons à une période particulièrement faste. Allez voir les Star Wars, les Justice League... toutes les techniques sont (sur)utilisées, balancées ad nauséam sur l'écran comme une plus-value au film. Qui aurait cru que, en quelques années, nous pourrions filmer une scène pour la refaire entièrement, changer l'angle de la caméra et même modifier l'acting des personnages en quelques passages sur ordinateur? Toutes les évolutions mentionnées ci-dessus ont mené au fait (que l'on peut regretter, mais qui reste une évolution logique) qu'un film ne se créée maintenant plus qu'en post-production. A la limite, utiliser les "anciennes" techniques devient un argument commercial, un truc de hipster pour dire "regardez, on fait du vrai cinéma, quand même". Voir le battage promotionnel autour de Star Wars Episode VII (JJ Abrams, 2015), qui tournait autour du fait que la production avait fait fabriquer de vraies maquettes, de vrais maquillages, comme dans les films de votre enfance, messieurs-dames, et omettant au passage (parce que c'était le propos) que ce simple film utilisait plus d'effets visuels numériques que les deux derniers opus de George Lucas réunis. Idem pour Jurassic World qui, bien loin des T-Rex mécaniques (signés de Stan Winston et de son studio) des deux premiers opus, n'avait plus à offrir que des dinosaures en images de synthèse dans la plupart des cas, et en en montrant plus que la trilogie réunie.
A côté de cette grande bouffe technique et technologique, un certain nombre de réalisateurs tentent de revenir à une cinématographie plus "simple" : Christopher Nolan avec Dunkerque (2017), par exemple. George Miller et les ahurissantes cascades de Fury Road (2015). Car, même si les effets visuels restent présents, leur utilisation se borne à unifier les plans, les améliorer etc. En somme, ils sont utilisés comme des outils (ce qu'ils devraient être, d'ailleurs). Même la 3D s'est déjà globalement vautrée, sur-utilisée, mal utilisée et finalement dévoyée par des films convertis ainsi (souvent avec des résultats plus que mitigés).
Sauf que le plus gros du cinéma (sa masse créatrice) ressemble plus au travail d'un Miller ou d'un Nolan qu'à un Star Wars contemporain et, lorsque cette époque fastueuse sera passée, c'est celle qui restera - en tout cas, techniquement. Le reste des techniques et technologies continuera bien entendu d'évoluer, poussées ici ou là par des réalisateurs/créateurs qui sauront les utiliser avant de les livrer au reste de la profession.
Nous ne sommes pas très loins de voir arriver les premiers acteurs virtuels réellement crédibles, à la fois, encore, grâce au fonctionnement toujours plus poussé des ordinateurs, mais aussi des caméras permettant chaque fois une meilleure captation des acteurs de motion capture (Star Wars : Rogue One n'en est d'ailleurs pas loin). Pour autant, le premier film entièrement interprété par des acteurs inexistants, ou déjà morts, ne sera pas non plus une révolution. S'il faudra, bien entendu, se pencher sur le cadre légal de ce type de travail, cela restera une évolution, encore, du système.
Encore, la technique évoluera : les caméras, par exemple. Actuellement limitées à une capacité de captation inférieure à celle d'une pellicule 35mm, on peut largement imaginer que les prochaines années verront l'arrivée sur les marchés professionnels de caméras 8K ou 10K, voir 15K, fleurtant avec les capacités d'une caméra Imax. Et permettant, ainsi, la création de salles de cinéma plus grandes, avec des écrans plus grands, permettant encore, sans doute, de garder une légère longueur d'avance sur le home entertainment.
La cinéma 4DX (3D, plus des effets de mouvement des sièges et des "effets" d'eau, de vent etc), actuellement en plein essor, peut également avoir quelques années devant lui, mais se retrouvera, tout comme les installations 3D des années 1950, rapidement désuet, puisqu'uniquement utilisé et promu pour ce cinéma de blockbusters qui viendra, lui aussi, à s'effondrer. Malgré tous leurs efforts, les Warner, Fox, Marvel et autres ne font toujours pas le poids, en terme de pérennité, avec un Wes Anderson, un Spielberg indépendant ou un Wingdin Refn.
A la fin, le cinéma est toujours un art de créateur, et non de studio.
3 - Les nouveaux médias

Lorsque l'on pense aux "nouveaux médias", les regards se tournent immédiatement dans la direction des Netflix, Hulu, Amazon Prime etc. En oubliant que le premier des ces médias qui a concurrencé le cinéma a été sa propre promotion à travers l'usage de la VHS, au début des années 1980. Dès lors, quel intérêt pouvait-il y avoir à aller voir un film au cinéma, lorsqu'il suffisait d'attendre un peu pour l'acheter en cassette (voire, en attendant un peu plus, de l'enregistrer à la télévision)? Pour une large part du public, la VHS était le cinéma ultime, celui-que l'on découvrait de chez soi, sans bouger. L'on oublie également que, à l'époque, un certain nombre de personnalités se trouvèrent un brin frileuses devant le procédé (Lucas, Spielberg...) car, en tant que créateurs indépendants, il s'agissait de voir une nouvelle entreprise de distribution s'ajouter au studio qui distribuait le film au cinéma. Ainsi, il fallu attendre le milieu des années 1980 pour que de nouveaux cadres légaux soient créés, protégeant les indépendants (ce qui permit à la Fox, via son réseau CBS, de sortir la trilogie Star Wars en VHS en 1989). Ainsi, chacun pouvait bénéficier de ses films préférés, à domicile, à n'importe quel moment, sans payer trop. Et ceux qui étaient enfants à cette époque se souviennent combien ils ont rentabilisé les VHS de dessins animés qu'ils recevaient pour leur anniversaire.
Ainsi, non seulement les autres formats qui sont apparus depuis (DVD, BluRay) n'en sont que des extensions. Et même les systèmes de VOD (Video on Demand, pour ceux qui sont au fond de la classe) n'en sont, encore, que des évolutions, rendues plus accessibles et moins chères par l'informatique.
Mais, alors, pourquoi un tel battage autour des services de streaming?
Jusque récemment, il était admit que ceux-ci étaient une extension de la télévision et du home entertainment. Mais la différence vint lorsqu'ils commencèrent non seulement à produire des séries (et en y mettant plus de moyens que la plupart des chaînes télévisées, puisque les services payants fonctionnent, de fait, comme des chaînes du câble), mais aussi des films. Et alors... cinéma, ou télé?
La situation, d'une certaine manière, est coincée entre les deux, ce qui fait à la fois sa simplicité et sa complexité. Un film de cinéma doit être diffusé dans une salle de cinéma avant d'être diffusé en streaming (de la même manière qu'un album enregistré lors d'un concert n'est pas le concert). Et, en théorie (mais là, c'est plus ouvert, puisqu'il n'y a pas qu'une forme de cinéma) correspondre aux codes du cinéma. C'est, en tout cas, ce qu'ont tranché les différents festivals de cinéma depuis deux ans : si un film n'est pas présenté en salle, alors il n'entre pas en considération (ce qui n'empêche pas certains prix, plus ouverts, de pouvoir leur être décernés (5)).
Mais la pression, notamment financière, exercée par ces médias est telle qu'ils doivent être pris en compte. Le prochain film de Martin Scorcese, par exemple (The Irish Man) est produit et distribué via Netflix. Mais le cinéma peut-il se passer de Scorcese? Même s'il a inclu dans son contrat la diffusion en salle (limitée) de son film (ce qui limite les polémiques), on peut se demander ce qu'il se serait passé si ce n'avait pas été le cas.
Car, entre les studios et les médias de streaming, la guerre fait rage, les premiers accusant les seconds de prendre possession de leurs terres (et de leurs productions, à moindre coût), les seconds accusant les premiers d'inactivité (l'ancien patron de Netflix ayant d'ailleurs plusieurs fois expliqué qu'il souhaitait rien moins que la mort du cinéma, ce qui n'a pas franchement aidé). On peut imaginer qu'un statut à part, entre télévision et cinéma, verra le jour mais, en attendant, chacun tente de récupérer les parts de l'autre. Les gros studios avec des films impossibles à produire même pour Netflix, les seconds avec une clientèle en constante hausse et des programmes variés (et dénués de publicité, même si blindés de placements de produits).
Mais une autre limite se fait jour. Comme l'ont découvert les abonnés de Netflix récemment, les tarifs d'abonnement au média de streaming ont augmenté. Le colosse, en effet, se retrouve obligé de fonctionner comme un studio : pour gagner de l'argent avec ses productions exclusives, il doit en dépenser. Et beaucoup, pour concurrencer le cinéma. Hors, si un spectateur de cinéma met dix Euros pour aller voir UN film dans le mois, sur Netflix, il met ces dix Euros pour en voir trente, quarante, cinquante par mois. C'est à dire que la moindre production Netflix se trouve limitée par le roulement de fond de la compagnie, et ne peut tabler sur un succès (puisqu'il y a fort à parier que le nombre de nouveaux abonnés peine à rentabiliser un projet d'envergure). Et comme, dans le même temps, la plupart des studios ont revus à la hausse les tarifs d'achat de leurs productions pour le streaming (qui devient donc, pour eux, un autre média de home entertainment), les finances auront du mal, sur le long terme, à se stabiliser.
Alors, oui : Netflix a aussi des actionnaires, et ils sont en progression boursière, etc. Mais ces actionnaires réagissent à l'afflux d'abonnés. Et cet afflux, à un moment, se stabilisera. Voire, le nombre d'abonnés diminuera, si la qualité de la production baisse, ou si les tarifs ne sont plus compétitifs. Et les actionnaires de retirer leurs billes à ce moment.
Tout comme le cinéma de blockbusters actuel, les médias de streaming devront à un moment se calmer, aussi, sur leurs ambitions de production - à moins de s'engager sur la voie d'une diffusion plus large, comme le cinéma - ou vendre une partie de leurs droits à la télévision. En somme, Netflix est l'équivalent high-tech des chaînes du câble des années 1990 (6).
Pour ce qui est du home entertainment traditionnel, il semble que, après des débuts timides, le format BluRay UHD (4K) prenne finalement son envol, aidé en cela par une baisse des prix conséquente sur les écrans UHD, favorisant leur démocratisation. Dans le même temps, le BluRay continue, lui, de prendre la place du DVD. Il est assez étonnant de voir ces trois formats se chevaucher et sortir aussi rapidement l'un après l'autre, lorsqu'il a fallu presque vingt ans pour passer de la VHS au DVD (même en prenant en compte le fait que le BR n'est qu'une évolution directe de celui-ci). Néanmoins, on sait également que certaines compagnies (Sony, Philips) travaillent déjà aux prochains formats télévisuels (on annonce déjà de la 8K !).
En contrepartie, tous les gros constructeurs ont, pour leurs gammes 2017 et 2018, abandonné l'usage de la 3D, jugeant certainement (à raison) que le nombre d'oeuvres proposées ainsi ne concerne qu'une faible part de la population qui regarde la télévision. Si la 3D a envahi les cinéma, elle n'a jamais vraiment fait décoller les ventes d'écrans. En outre, les promesses de voir arriver rapidement des programmes télévisuels en 3D, notamment grâce à la démocratisation de la Fibre, se sont révélées vaines (et en même temps, Drucker en 3D...).
Là où les écrans évoluent largement, en revanche (et grâce aux nouvelles technologies) est dans le rendu à la fois des images (la définition), mais aussi des couleurs, grâce aux systèmes HDR (High Dynamic Range, qui permet une plus grande amplitude et netteté colorimétrique). Ceux-ci permettent en effet un rendu plus dynamique des films, compensant ainsi (du moins, en partie) le fait que les salons de la plupart des gens ne sont pas conçus comme des salles de cinéma. De fait, le travail sur les films entre leur sortie au cinéma et leur sortie sur support n'a jamais été aussi important, et plusieurs réalisateurs ont déjà commencé à travailler sur le support pour proposer une expérience différente du film selon que vous le voyez au cinéma ou chez vous (Denis Villeneuve, par exemple). Cette différence permettrait également de séparer les deux expériences (même si, encore, on ne voit vraiment un film que dans une salle de cinéma - ce n'est pas pour rien s'il est pensé et conçu pour cet écrin).
4 - Quelle place pour les créateurs ?

Après les années 1940, puis après les années 1970, on aurait pu croire que le désir libertaire des créateurs du cinéma vaincrait. Après tout, même le public peut faire la différence entre une oeuvre de qualité, intime et qui a du sens, et une oeuvre de studio, commerciale et qualibrée. En théorie.
Dans les faits, si ceux-ci sont effectivement parvenus à créer des systèmes de production indépendante viables, ils ont également du orienter une partie de leur cinéma vers un public plus large. Cela va aussi, du reste, avec l'histoire du cinéma. Leur grande force, justement, est d'avoir réussi, dans la foulée, à populariser des oeuvres plus difficiles, plus complexes, souvent trop pour un studio (qui doit composer avec les finances, les egos etc). Dans les années 1990, personne n'aurait pu croire que des films comme La Liste de Schindler (Spielberg, 1994) puissent devenir à la fois des succès publics et critiques. La Ligne Rouge, Memento, Elephant... Il y a une âpreté dans ces films qui les rend difficiles à soutenir, à moins de ne pouvoir diriger l'intégralité du cycle de production. En résultat, aussi, et en échange, une prise de risque plus grande de la part des studios.
Mais, comme tout est cyclique, il a bien fallu se rendre à l'évidence, à un moment : l'ère était à l'action. Comme dans les années 1980, cette action devait être énorme (et chaque fois plus imposante que la fois précédente), sembler inédite. En apparence, un statut que seuls les studios peuvent se permettre d'assumer. Néanmoins, la présence toujours notable des Ridley Scott, James Cameron, Steven Spielberg, et l'arrivée des Villeneuve ou Nolan a aussi permit l'émergence d'un cinéma d'action certes plus mesuré, mais également plus intelligent, plus profond. Ou, en tout cas, son retour, à une autre échelle.
A la même époque, aussi, il restait une place légitime pour ces créateurs : seuls trois ou quatre blockbusters se partageaient l'affiche chaque année, remplissant en quelques semaines les caisses des studios, quand le reste de l'année et de la production était dévolu à des films plus petits. Difficile pour un Peter Weir d'égaler le succès, aujourd'hui, d'un Truman Show. Idem pour Jonathan Dayton et Valerie Faris, qui ne pourraient, aujourd'hui, que contempler une douzaine de blockbusters dans l'année s'arracher les dividendes d'un Little Miss Sunshine. Il un nom qui soit une marque, et les moyens qui vont avec, pour espérer, en tant qu'indépendant, pouvoir s'en sortir. Wes Anderson est devenu, en quelques années, un réalisateur plus populaire. Idem pour Kenneth Brannagh, Refn, Villeneuve... Indépendants, ils n'en sont pas moins bankable, et donc, au vu des financiers, respectables.
Sur les cinq prochaines années, on peut facilement prévoir une douzaine de blockbusters par an (dont, presque la moitié pour le seul groupe Disney) - films d'animation inclus. Autant dire que, sur les cinq prochaines années, le cinéma indépendant aura du mal à se faire voir. Et ses créateurs à se faire entendre - alors même que, du point de vu strict des revenus, ce cinéma ne se soit jamais aussi bien porté (le contrecoup des blockbusters).
Mais on peut, aussi, se demander quels seront les créateurs des dix prochaines années, et comment ils fonctionneront.
Si la plupart des scénaristes et réalisateurs de blockbusters actuels disparaîtront "naturellement", suivant une courbe de carrière qui peut s'apparenter à celle d'un Simon West (7), on pourra toujours en retrouver certains à la télévision. Les frères Russo (Captain America 2 & 3, Avengers 3 & 4) avec un début de carrière en demi teinte (seulement deux films, Bienvenue à Collinwood et Toi, Moi... et Duprée, donc pas des franches réussites), risquent fort de finir leur carrière sur des séries TV de commande, ou des séries B en Direct to Video. A contrario, un Colin Trevorrow (Jurassic World, 2015) peut, lui, voir avec plus de sérennité ses prochaines années : bien qu'ayant été rejeté de la , production de Star Wars (je ne sais plus lequel), son retour, dès 2017, au cinéma indépendant (avec The Book of Henry, très faible succès) lui permettra sans doute de ne pas disparaître. Néanmoins, il est fort probable qu'il finisse en yes-man pour Universal (même si je peux, évidemment, me tromper, et je l'espère pour lui). La plupart de ces réalisateurs sous contrat (les yes-men), d'une manière ou d'une autre, sont amenés à disparaître de la circulation. A moins de prouver leur talent à un moment, ils ne sont pour l'instant que de la main d'oeuvre pour les gros studios, et restent soumis à l'appréciation non pas de leur travail, mais du produit qu'ils ont livré. Et, on a pu le voir ces derniers jours avec la refonte annoncée de la branche cinématique de DC chez Warner, nul doute que les exécutants seront les premiers à payer le moindre échec. Même un Joss Whedon qui, s'il a rapporté de l'argent, n'est aucunement reconnu (à part par le public, mais c'est la première variable qui changera, comme nous le verrons plus tard) n'est pas à l'abri : ses échecs artistiques étant plus nombreux que ses réussites.
Néanmoins, la chute annoncée et prévisible du système des majors permettra, de fait, l'avènement de nouveaux créateurs. A la fois parce que c'est leur indépendance qui, au final, fait vivre le cinéma (rappelons que les recettes globales pour 2016 s'élèvent à plus de 60 milliards de Dollars, et seulement 10 pour les blockbusters), mais aussi, parce qu'ils sont ceux qui font naître les nouvelles formes cinématographiques, et sont les plus à même de faire évoluer des techniques habituellement jugées hors de leur portée (à la fois grâce à l'évolution des technologies, mais également grâce à leur ingéniosité, nécessaire pour pallier à un manque de budget).
5 - Un art populaire

Le dénominateur commun de tout art à toujours été le public. Qu'il s'agisse de littérature, de peinture, de musique ou de cinéma, le public est ce qui permet la reconnaissance de l'art et sa survie (financière). Néanmoins, le public n'est pas gage de qualité, ni même n'autorise la pérennité d'une oeuvre (sans quoi, Picasso serait mort de faim avec le cubisme).
A l'heure actuelle, et depuis une quinzaine d'années, l'opinion du public est devenu le maître étalon qui fait et défait des carrières, permet l'annonce quasi immédiate de suites, le lancement de franchises, de prequels... ou leur arrêt, presque aussi immédiat. En dépit des résultats financiers des films, en dépit, même, de leurs qualités ou défauts objectifs, le public s'est fait juge, juré et bourreau. Une situation qui, si elle flatte les producteurs et les financiers (au risque d'abandonner toute idée d'originalité, cela permet tout de même d'assurer le succès des films et leur rentabilité), n'a que peu à voir avec un quelconque souci créatif - et en va même à l'encontre. Via les réseaux sociaux, les fans jugent, selon leurs goûts, des films qu'ils vont (ou non, d'ailleurs) voir. Et les studios de les écouter.
Avec (actuellement) moins de 600 millions de Dollars remportés au box-office mondial (8) pour un budget estimé à 300 millions (9), le film Justice League (Zack Snyder/Joss Whedon, 2017) apparaît comme un échec, d'autant plus problématique que, pour la première fois en dix ans d'omniprésence de super-héros à l'écran, il pose la question de leur succès commercial à venir. Un échec commercial apparent qui, de fait, ennui même Disney (dont on a vu, dans un post précédent, que le groupe fonctionnait grâce à un système spéculatif à moyen terme).
Et le public, de fait, sera le premier à se détourner de ce type de superproduction, en entraînant la mort (du moins, jusqu'au prochain cycle), et l'effondrement du système.
Il faut se rendre compte qu'une partie du public actuel n'est pas habitué du cinéma (ce qui explique qu'il se comporte comme devant un écran de télévision). En quinze ans, les bénéfices annuels du cinéma ont explosé de plus de presque quinze milliards de Dollars, ce qui correspond, même en prenant en compte les petits trafics (comme la 3D) et l'inflation, à une masse de spectateurs qui n'existait pas auparavant. Et il est évident que ces spectateurs ne sont pas ceux qui se rueront dans les salles pour voir le dernier Gus Van Sant. Ils laisseront, en majorité, la place aux spectateurs habituels, et ne reviendront que pour le blockbuster estival ou le film d'animation de fin d'année.
Avec leur disparition, ce sont également les budget qui diminueront. Bien sûr, on verra toujours des Cameron à 300 millions de Dollars, des Nolan ou des Spielberg à 150 millions de Dollars, mais la majeure partie des dépenses et recettes de ces films reviendront à leurs producteurs/réalisateurs. La moyenne des budgets se situe, d'une manière générale, autour des 40 ou cinquante millions de Dollars, et il y a de fortes chances pour que cela reste ainsi un bout de temps.
Les studios, de fait, reprendront un rythme qu'ils pourront légèrement élever ou diminuer au gré des modes et des succès, mais seront à nouveau forcés de rester sur une ligne leur permettant d'engager des finances sans en perdre.
La disparition de cette masse de spectateurs surnuméraire aura également comme conséquence de redistribuer le pouvoir à la fois aux studios et aux créatifs. Même si le réflexe du jugement perdurera (il n'est pas non plus inédit, mais n'a jamais eu cette ampleur auparavant) un moment, il s'estompera également, pour revenir à un ton plus mesuré. D'ici dix ou quinze ans, je pense qu'il sera beaucoup plus rare d'entendre des spectateurs appeler au meurtre d'un réalisateur, se féliciter d'un drame familial chez un scénariste que l'on aime pas ou tout autre débordement. C'est à dire que la fonction populiste que l'on voit actuellement sera infiniment plus limitée, et il y a même des chances pour que les studios, pour se protéger (et protéger leurs investissements) trouvent de nouvelles parades (légales, notamment) contre ces formes de harcèlement (oui, c'est bien du harcèlement). Car il faut bien le reconnaître, si Justice League est bien un film de studio, la responsabilité première de la Warner était, et aurait du être, de protéger ses créatifs (qui représentent un investissement, aussi). Leur comportement d'abandon vis à vis de Zack Snyder, qu'on l'apprécie ou non, laisse dubitatif quand à la capacité du studio d'assumer ses propres décisions. De fait, lire, sur les réseaux sociaux de la Warner que la fille du réalisateur aurait du se suicider plus tôt pour éviter le film précédent aurait, au moins, du permettre au studio de lancer des poursuites.
La chute du modèle actuel, qui est comparable à celui des années 1930-1940 permettrait, de fait, de renvoyer les studios à leurs responsabilités (comme David Fincher en 1992 pour Alien3, lâché par les producteurs mais à qui le studio à proposé un nouveau contrat), mais également le public.
L'extrême popularisation du cinéma l'a propulsé au niveau du théâtre au XVIIIème siècle, lorsque le public, mécontent de la pièce, montait en toute impunité sur la scène pour aller chercher l'auteur et le molester. Bien sûr, cela n'est essentiellement valable que pour les super-productions, et pour ce public qui n'a jamais totalement l'impression d'en avoir eu pour son argent - on n'imagine peu ce genre de débordements devant Le Brio (Yvan Attal, 2017), ou devant Lars Von Trier.
Au final, il ne s'agira pas réellement d'une évolution des mentalités, mais plus d'un retour à ce que chacun considérera comme sa zone de confort. Et on peut espérer que les usagés de Twitter abandonneront leur téléphone durant un film - et qu'ils auront la décence de ne plus le prendre en photo.
On peut imaginer, aussi, une direction allant vers un autre extrême, qui serait comparable au théâtre actuel. Non pas qu'il faille formaliser tout le cinéma (d'ailleurs, tout le théâtre n'est pas formalisé), mais on peut imaginer que, dans un futur plus ou moins éloigné, une sortie au cinéma redevienne une sortie exceptionnelle, un moment que chaque spectateur rendra spécial, et qui s'accompagnerait du même respect face à un film que celui que l'on a devant un opéra. Ce sont les vendeurs de pop-corn qui vont angoisser. Cela viendrait certainement d'une hausse des prix conséquente, ce qui n'est pas franchement souhaitable. En effet, si l'on doit se débarrasser de cette vision populiste du cinéma, je fais partie de ceux qui souhaitent qu'une part de celui-ci reste populaire. Je ne veux pas uniquement voir un film d'Europe de l'Est axé sur les souffrances enfantines de son réalisateur. Et le cinéma (même si c'est sa part la plus riche intellectuellement) n'est pas que ça. L'équilibre sera complexe à trouver, d'autant qu'il faut se souvenir qu'il s'agit d'un art encore jeune. Il a fallu six-cents ans pour que l'opéra devienne un art respectable et majeur, ne l'oublions pas.
6 - Et Après ?
On l'a vu, la simple définition du cinéma en tant qu'art (ou même de cinéma "artistique") est complexe. Et le définir au milieu des autres arts l'est d'autant plus.
L'évolution des technologies semble d'une part avoir permit au cinéma de s'affranchir encore des genres auxquels il était lié (le théâtre, la photographie) - grâce à la motion capture, la performance capture, les capacités toujours plus poussées des caméra - mais aussi, sa destinée y est-elle liée. L'arrivée des nouvelles entreprises de VOD devenant également productrices, il faudra sans aucun doute redéfinir ce qui appartient au champ du cinéma ou pas. La question se pose quasiment à chaque nouveauté (par exemple, à la fin des années 1990, avec l'arrivée sur grand écran de films documentaires). Il ne s'agit pas de remettre en question les qualités artistiques de telle ou telle production, mais bien de redéfinir l'appartenance de chacune dans ce bazar. Et oui, on peut également, légitimement, se poser la question pour certaines productions qui, certes, sortent au cinéma, mais qui n'y auraient sans doute pas leur place. Instaurer un cadre permettrait à la fois de légitimer le travail de production dans les différents secteurs (pourrait faire passer la VOD du statut de sous-télévision à celui d'art à part entière, notamment), mais également, à l'avenir, de mieux pouvoir orienter les spectateurs au gré de leurs goûts et de leur confort.
De même, cela permettrait d'élever les différentes formes d'art au-delà de la simple question de goût.
Mais il faut également que les studios, et donc la profession, accepte de revoir les règles du jeu. On l'a déjà vu, la forme commerciale actuelle n'est pas pérenne, et le tango permanent entre art et commerce dans lequel le cinéma est engagé ne pourra pas durer éternellement. Ainsi, il faudra, à un moment ou à un autre, rebattre les cartes, voire limiter le pouvoir de studios. Il y a, d'ailleurs, des chances pour que le monopole grandissant d'un Disney y contribue, puisque le groupe tisse également des liens de plus en plus étroits - et gênants - avec les différents cercles politiques.
Et, enfin, il faudra aussi que les observateurs, les critiques - les connaisseurs, en somme - se remettent en question. Non pas dans leur fonctionnement (analyser une oeuvre ne changera pas), mais dans le prisme à travers ils voient les films. On le voit à l'heure actuelle, tout un pan de ces observateurs du cinéma se détourne de certaines productions (les Marvel, notamment), car celles-ci se révèlent complexes à analyser au regard du cinéma en général. Si on peut les analyser formellement, ces films débordent des genres, et on ne peut les percevoir de la même manière que les autres - en tout cas vus à travers les prismses actuels. En outre, leur existence ne dépend pas de la volonté propre de créateurs de raconter une histoire, mais de celle de producteurs voulant plaire au public - et en gagner de l'argent. Certes, l'argent a toujours fait partie des quêtes du cinéma, mais cette notion de ne faire exister une oeuvre que pour le public, sans prendre en compte sa place dans l'art est relativement inédite. Ainsi donc, il faudra réévaluer non pas ces films, mais la manière dont on les voit. Et les intégrer à un nouveau schéma, de nouvelles grilles d'évaluation. Comme on l'a fait avec le cinéma commercial des années 50-60, que l'on ne pouvait comparer au cinéma d'un Fritz Lang ou d'un Hitchcock. Cela permettrait, en outre, aux créateurs, de s'engager aussi vers des formes de cinéma différentes, sans craindre de se voir mis à l'écart.
Enfin, il est peu probable que, du point de vue des créateurs comme des spectateurs, les formes techniques du cinéma évoluent radicalement dans les prochaines années. Déjà, maîtriser les techniques actuelles, et redéfinir leur usage sera un premier pas. Et les règles du genre suivront, évoluant sans se transformer totalement.
(1) 1989, 1992 (James Cameron), 1993 (Steven Spielberg) - SFX de ILM pour les trois.
(2) 1985, Barry Levinson - SFX de ILM.
(3) 2015, Colin Trevorrow - SFX de ILM et Weta Digital
(4) D'autres films, tournés en couleur ou colorisés à la main existaient déjà, mais celui-ci reste marquant pour son utilisation.
(5) Voir Stranger Things, série qui a été récompensée de prix transmédias, télévisuels et cinémas - et considérée comme série télévisée.
(6) Bien entendu, je parle ici essentiellement de Netflix parce qu'il s'agit de la société la plus aggressive commercialement à l'heure actuelle, ses principales concurrentes se montrant plus modérées et axées vers la télévision.
(7) Réalisateur, en 1999, du très sympathique Déshonneur d'Elisabeth Campbell, mais aussi des Ailes de l'Enfer, du premier film Tomb Raider... Son dernier coup d'éclat reste le navrant Expandables 2.
(8) Source: Box Office Mojo.
(9) Source : IMDB
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