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Covid-19 et Chloroquine

  • Photo du rédacteur: Kevin Enhart
    Kevin Enhart
  • 22 mars 2020
  • 8 min de lecture

Je réactive donc le blog, et me permets une petite appartée liée, bien sûr, aux évènement du moment.

En tant que passionné de science, les temps que nous vivons sont aussi inspirants qu'effrayants, et il semble que beaucoup de nouveaux éléments appartaitront bientôt dans notre champ de connaissance.


Je vous rassure, j'ai quand même d'autres articles, liés au cinéma, en tête, et qui arriveront bientôt.

Pour l'heure, voici une analyse de l'essai du Professeur Didier Raoult, pré-publiée dans International Antimicrobial Journal of Medicine (IHU Marseille) le 16 Mars 2020, et publiée dans sa version définitive le 20 Mars.


Commençons avec l’étude elle-même (je mets les liens à la fin) : Pour commencer, comme mentionné par Elisabeth Bilk, consultante scientifique et Docteure en microbiologie (anciennement en poste à l’université de Stanford), les périodes exprimées sur l’étude sont étranges : -L’étude semble avoir été commencée avant l’autorisation ministérielle (donnée le 6 mars, et l’étude, censée durer 14 jours, a été présentée le 16 mars). -Tous les groupes de peer reviewing sont débordés, mais l’étude a été acceptée en moins de 24h (publication le 17 mars). -Enfin, elle a été publiée dans l’International Journal of Antimicrobial Agent, publication affiliée au laboratoire IHU dirigé par le Pr Didier Raoult. Le rédacteur en chef de ce journal et directeur du reviewing en est Jean-Marc Rolain. Qui est aussi l’un des auteurs de l’étude. Oui, c’est un cas de conflit d’intérêt. Tous ces éléments sont, bien sûr, lisibles sur la 1ère page de l’étude en question (où vous trouverez aussi un accès aux remarques des pairs du Pr Raoult sur l’étude, pour augmenter ce texte).





Maintenant, que dit l’étude ? Les objectifs de cet essai sont de « shorten the period of virus carrying and thus contagion to evaluate the clinical effectiveness of treatment on time to apyrexia, normalization of respiratory rate, and average length of hospital stay and mortality », soit “raccourcir la période de portage du virus, et donc de contagion, évaluer l’efficacité clinique du traitement cad temps jusqu’à l’apyrexie, normalisation de la fréquence respiratoire, le temps moyen d’hospitalisation et la mortalité”. C’est un essai non randomisé (c’est-à-dire que les patients de chaque groupe sont choisis, et non triés par tirage au sort à l’aveugle), et ouvert (les soignants et les patients savent dans quel groupe ils se trouvent, ce n’est pas un essai en aveugle ou double aveugle). C’est le pire que l’on puisse faire pour un essai.

Bref, l’étude. Deux groupes de patients ont été faits : un groupe « Chloroquine», et un groupe « Témoin » (qui n’a donc rien reçu du tout). Le traitement se faisait à partir de doses de 200mg de Plaquenil. On traite, on observe. Ici, on regarde au bout de six jours les résultats des deux groupes, par calcul de la charge viral (le nombre de copies d’un virus par ml de sang). Pour les deux groupes : La moyenne d’âge du groupe « Choroquine » est de 30 ans. Tous ses membres ont été sélectionnés parmi les patients du CHU de Marseille (auquel est affilié le labo de Raoult). Dans le groupe témoin, la moyenne d’âge est de 51 ans (et on sait l’importance de l’âge dans Covid-19), et tous les patients viennent de centres hospitaliers alentours (c’est un biais de sélection). En outre : des patients ont été notés « perdus de vue ». C’est-à-dire qu’ils sont sortis de l’essai. Tous étaient du groupe chlorodrine. 3 patients ont été transférés en réanimation (aucune info supplémentaire sur eux, alors qu’ils n’auraient pas du être sortis de l’étude sans démonstration de l’absence de lien avec l’essai). 1 patient est décédé. 1 patient a décidé de quitter l’hopital (charge virale nulle à J1, il n’était donc certainement même pas malade). 1 patient qui a eu un effet indésirable à la chlorodrine et a cessé l’étude. Si des mesures de charges virales ont été menées, celles-ci ont été alétatoires : on remarque que le groupe « Chloroquine » a bien été testé chaque jour, contrairement au groupe témoin qui n’a été testé qu’à j1 et j6 en majorité. Ceux qui n’ont pas été dosés ont été considérés comme « positifs ». 5 de ces patients n’ont pas du tout été testés, sur 14, mais sont notés comme positifs. Au final, seuls deux des 9 patients testés dans le groupe témoin se sont révélés « guéris ». A contrario, dans le groupe Chloroquine, un patient n’a pas été testé du tout, mais a été notifié comme « guéri ». Ce qui amène donc à 14 patients sur 20 guéris. Les non testés d’un groupe sont considérés comme guéris, et ceux de l’autre comme encore malades. 1) Pour 6 sujets la durée incubation-traitement n’est pas connue (manque de données). 2) Pour 10 sujets le CT (scanner pulmonaire) n’est pas connu ; on a juste un résultat négatif ou positif. 3) Pour 6 sujets le PCR (charge virale) au jour 6 n’a pas été fait (et Raoult les considère par défaut comme positifs alors… que 5 d’entre eux sont dans le groupe contrôle, c’est fort pratique) 4) Des sujets testés négatifs un jour peuvent être testés positifs le lendemain. 5) 6 sujets du groupe test ont abandonné parce que leur cas s’aggravait. Cela fait beaucoup de phénomènes aléatoires pour un essai qui, au final, ne présente aucun intérêt médical, ou même du point de vue de la méthodologie scientifique.

La liste des patients. De 1 à 16, le groupe témoin. De 17 à 36, le groupe test. Les données surlignées indiquent que ces patients n'ont pas vu leur charge virale testée au dernier jour. (version du 17 Mars, prépublication)

La version du 20 Mars. On constate que, cette fois, les patients sont devenus "positifs" (sans que l'on sache s'il s'agit d'une erreur ou non). Cette simple modification indiquerait que ces patients, tous du groupe témoin, n'ont pas guéri (merci Matthieu Rebeaud).

Enfin, sur les autres études souvent citées (dont le fameux essai Chinois super concluant mais en fait non), Frank Touret et Xavier de Lamballerie, du l’unité des Virus Emergents à l’IHU de Marseille (oui, bizarrement, ils travaillent avec le labo du Pr Raoult) en ont fait un racapitulatif (et je remercie le Dr Matthieu Rebeaud pour les explications) : Les faits marquant relevés sont: - Des données in vitro suggèrent que la chloroquine inhibe la réplication du SRAS Cov-2. -Dans le cadre de recherches antérieures, la chloroquine a montré une activité in vitro contre de nombreux virus différents, mais aucun bénéfice dans les modèles animaux. - La chloroquine a été proposée à plusieurs reprises pour le traitement de maladies virales aiguës chez l'homme, sans succès. - Les résultats de certains essais cliniques en cours sur la chloroquine en Chine ont été annoncés, sans accès aux données. - L'examen des résultats par les pairs et une évaluation indépendante des avantages potentiels pour les patients sont essentiels. "Des publications récentes ont attiré l'attention sur les avantages possibles de la chloroquine, un médicament antipaludique largement utilisé, dans le traitement des patients infectés par le nouveau coronavirus apparu (SRAS-CoV-2) (Colson et al., 2020 ; Gao et al., 2020). La communauté scientifique devrait examiner ces informations à la lumière des expériences précédentes avec la chloroquine dans le domaine de la recherche antivirale." Et ça c'est intéressant, parce que c'est un peu ce qu'on essaie de dire. Pas que c'est inutile. Les essais pour utiliser les dérivés de quinine, comme la Chloroquine sur des virus datent de la fin des années 60. "Certaines preuves d'activité chez la souris ont été trouvées pour divers virus, notamment le coronavirus humain OC43 (Keyaerts et al., 2009), l'entérovirus EV-A71 (Tan et al., 2018), le virus Zika (Li et al., 2017) et le virus de la grippe A H5N1 (Yan et al., 2013). Cependant, la chloroquine n'a pas empêché l'infection par la grippe dans un essai clinique randomisé, en double aveugle et contrôlé par placebo (Paton et al., 2011), et n'a eu aucun effet sur les patients infectés par la dengue dans un essai contrôlé randomisé au Vietnam (Tricou et al., 2010)." "La chloroquine était également active ex vivo mais pas in vivo dans le cas de l'ébolavirus chez les souris (Dowall et al., 2015 ; Falzarano et al., 2015), du Nipah (Pallister et al., 2009) et du virus de la grippe (Vigerust et McCullers, 2007) chez les furets." Pour le moment pas d'activité autre que In vitro ou chez de rares modèles animaux mais pas l'homme. Pire encore avec le virus du "chikungunya (CHIKV) qui présente un intérêt particulier : la chloroquine a montré une activité antivirale prometteuse in vitro (Coombs et al., 1981 ; Delogu et de Lamballerie, 2011), mais il a été démontré qu'elle favorisait la réplication de l'alphavirus dans divers modèles animaux (Maheshwari et al, 1991 ; Roques et al., 2018 ; Seth et al., 1999), très probablement en raison de la modulation immunitaire et des propriétés anti-inflammatoires de la chloroquine in vivo (Connolly et al., 1988 ; Katz et Russell, 2011 ; Savarino et al., 2003)." Donc là, c'est bien in vitro mais ça empire in vivo. "La chloroquine a également été testée dans des maladies virales chroniques. Son utilisation dans le traitement des patients infectés par le VIH a été jugée peu concluante (Chauhan et Tikoo, 2015) et le médicament n'a pas été inclus dans le panel recommandé pour le traitement" Donc en gros pour le moment, ça n'a JAMAIS marché sur l'homme. C'est ça qui me laisse circonspect et le constat est le même d'un Prof. qui bosse à Marseille lui-aussi comme Raoult. Ensuite "Gao et ses collègues indiquent que, "selon la conférence de presse", "les résultats de plus de 100 patients ont démontré que le phosphate de chloroquine est supérieur au traitement de contrôle pour inhiber l'exacerbation de la pneumonie, améliorer les résultats de l'imagerie pulmonaire, promouvoir une conversion négative du virus et raccourcir l'évolution de la maladie." Et ça veut dire quoi? En gros qu'il s'agirait de la première utilisation réussie de la chloroquine chez l'homme pour le traitement d'une maladie virale aiguë. Comme le rappelle Le Prof. De Lamballerie: "C'est sans aucun doute excellente nouvelle, car ce médicament est bon marché et largement disponible. Cependant, il convient de l'examiner attentivement avant de tirer des conclusions définitives, puisque aucune donnée n'a encore été fournie pour étayer cette annonce." Et la conclusion logique du papier: "Nous demandons instamment aux scientifiques chinois de communiquer les résultats provisoires des essais actuellement en cours en Chine dès qu'ils seront disponibles. Cela devrait se faire de préférence dans une publication revue par des pairs et contenant des informations détaillées afin de permettre à la communauté scientifique internationale d'analyser les résultats, de confirmer dans des essais prospectifs l'efficacité du traitement proposé et d'orienter les futures pratiques cliniques." Voilà. En gros c'est exactement ce qu'on dit. Pour le moment ça n'a jamais marché et des fois c'est même pire, on attend des résultats qui si ils sont bons, sera une bonne nouvelle, mais pour le moment il s'agit de rester prudent.


Et je copie/colle le mini thread du Dr Nendilly sur Twitter, qui explique mieux un truc que je n’avais pas pu calculer (mais qui, à la relecture, ressort bien de l’essai ) :

« chaud devant : premier probleme stat : il compte qu'il lui faut 48 patients pour faire ces 2 groupes, il admet n'en avoir "que" 36 ; dans le groupe contrôle, il y a des gens qui ne rentraient pas dans les critères d'inclusion, donc soit allergique à la chloroquine ,soit déjà sous traitement => ce n'est plus un groupe témoin !

Vu que les tests résultats des tests sont un peu zarbi, j'ai simplifié en "positif" "négatif" "non détecté" et comparé 2 à 2 (traitement/témoin) les proportions dans chacune de ses 3 catégories chaque jour.

résultats bruts: des différences aux jours 1 et 3 du traitement, et c'est tout en enlevant les quelques pelos qui se sont révélés être négatifs tout du long (soit un faux positif au départ, soit la fin de la charge virale "naturellement", on ne guérit pas avec 24h de ttt). On tombe sur exactement la même chose: des différences dans les proportions de négatif/positif/non détecté aux jour 1 et 3 maintenant si on enlève les cas "non détectés", vous allez me dire "mini mini échantillon" ouaip, mais échantillon sûr.

Je vous le donne en mille plus de différence, à aucun jour dans ta face la chloroquine.

Par contre faut qu'il s’y fasse, y'a que dans le groupe chloroquine qu'il y a eu des morts hein... »

L'étude du Pr Didier Raoult :




Les critiques émises par les pairs du Pr Raoult sur son étude, via PubMed (dont Elisabeth Bilk) :




Le "thread" (en anglais) Twitter de Gaeton Burgio (directeur d'étude à l'Australia National University, généticien et infectiologue), sur qui je me suis en partie basé pour mon texte.



Toutes les infos et études publiques dispo au sujet de Covid-19, avec leurs protocoles. Beaucoup en profitent pour tester des molécules au cours de les tests et essais, afin de déterminer ce qui serait intéressant à voir in vivo.


J'ajoute cet article du Blog Médiapart, bien fait, et qui va dans le sens des sources que j'ai trouvées :


Merci aussi à Alain Carrazé pour le travail de relecture et de mise en forme.



 
 
 

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